Une coiffeuse… rebelle!

L'autrice

Joannie Brodeur Rebel

Coiffeuse Rebelle

C’est toujours un peu bizarre de commencer un texte qu’on nous a demandé d’écrire sur soi… Je n’ai jamais vraiment été un modèle à suivre ! J’ai toujours été entêtée et voulu faire les choses à ma manière, alors quand on m’a dit que j’étais inspirante, la tête que j’ai faite !! Je suis ma voie, je n’envie personne, je ne suis même pas quelqu’un d’ambitieux ! Je n’aspire pas à être connue, mais je sais qu’on se souvient généralement de moi. Un jour, quelqu’un m’a dit que j’avais une aura, une sorte de magnétisme qui attire les gens, un leadership positif qu’on voudrait suivre… tant mieux ! J’aime les gens. J’aime être entourée, faire partie d’une gang, d’une équipe…

Alors d’accord Véro, je vais l’écrire ton texte. Si ça peut inspirer quelqu’un qui se cherche… let’s go !

Je suis une rebelle.

J’ai fini mon secondaire à 15 ans. Trop jeune. J’ai sauté une année au primaire parce que j’étais une surdouée, mais avec un gros TDAH, un vrai ! Colère, manque de concentration, opposition, problème d’autorité, bla-bla-bla… Je finis mon secondaire sans motivation, pas d’amis. Je suis jeune et je ne rentre pas dans leur moule. Je ne suis pas jolie ni coquette, je ne couche pas, je ne suis pas invitée dans les partys… Je me fais intimider tout le long de mon secondaire !! Ça forge le caractère, mettons !! Cet été-là, j’ai décidé que je serais au-delà de ce qu’ils pensaient de moi… Plus rien à foutre !! Je suis entrée au CÉGEP avec une attitude de baveuse, un front de bœuf et des caps d’acier… J’ai fumé du pot, joué aux cartes et coulé tous mes cours de la session…. Alors je me suis inscrite en DEP Coiffure parce que ça avait l’air facile. Pas de sport, pas de maths pis fuck la philo ! Je n’étais pas motivée, mais c’est facile être coiffeuse ! 

Ça ne prend pas une maîtrise pour être coiffeuse… je me lave les cheveux, je suis capable d’appliquer une teinture en boîte et il ne doit pas vraiment y avoir une technique pour tenir un séchoir et une brosse !!! Y’en a partout des coiffeuses, je vais vraiment pouvoir me trouver une job en sortant de là !

Ouais ben 1 an et demi plus tard, j’ai mon diplôme ! Pas si facilement, mais je l’ai eu. Je me fais engager dans le salon de coiffure du centre d’achats dans ma ville. Première journée, un samedi, j’ai donné ma démission à la patronne, tout insultée, en lui disant que je n’étais pas une shampouineuse, ni une préposée au lavabo, ni une technicienne du balai !! Je sortais de l’école, voyons !! J’étais diplômée ! Le sourire qu’elle m’a fait en me disant bonne chance, je l’ai compris après plusieurs années. J’ai pratiqué dans ma cuisine à faire des toupets trop courts avec des cheveux frisés, des décolorants jaunes en leur assurant que c’était blond ou des dégradés à ne pas regarder de trop près….

Après plusieurs années d’acharnement, je change de compagnie de coloration. La technicienne qui vient me donner la formation, Caroline, est une véritable révélation pour moi ! Ça combine ce que je sais faire de mieux dans la vie, la coiffure et le contact avec les gens. Je veux, moi aussi, être la référence en matière de cercle chromatique, de couverture de cheveux blancs et de tendances capillaires. J’envoie mon CV et je suis invitée à travailler avec eux à l’ABA, backstage !! WOW !! J’ai vu comment ils créaient des looks, travaillaient un style et présentaient ça devant un public qui buvait leurs paroles ! Je serai sur cette scène dans quelques mois !

Je suis une professionnelle

J’ai pris toutes les formations avec cette compagnie. Produits coiffants, coloration, décolorants, outils…. Je suis devenue une encyclopédie de termes et de détails qui pourraient paraître insignifiants pour plusieurs. Moi, j’adorais enseigner mon savoir. Je suis montée sur scène, j’étais sous les spots lights et j’avais des yeux braqués sur moi. J’aime les gens, j’aime le contact avec les gens. Les coiffeurs viennent me voir pour me dire que je suis drôle et qu’ils aiment la façon que j’ai d’expliquer et de vulgariser les choses. Je suis captivante ! Je ne suis pas une carte de mode et je me fous vraiment de la marque de mes souliers, ce n’est pas l’important ! Je suis professionnelle quand même, mais je n’ai pas un balai dans le cul. Je fais les choses à ma manière…

On fait beaucoup de shows, je commence à voyager à travers le Canada, dans des petits coins reculés, pour aller donner de la formation. Ce n’est pas les shows de Toronto ou de New York, mais je suis payée pour voyager et j’ai des formations qui me permettent de me perfectionner.

 Par contre, de plus en plus, je sens que je ne ferai pas les shows de New York ou de Toronto…. Je ne suis pas celle qui attire les regards par sa marque de chaussures quand elle entre sur scène. Je ne porte pas de Michael Kors ni de Jimmy Choo. Avant de travailler avec cette compagnie, je ne savais pas qu’on pouvait espérer payer juste 215 $ pour une robe Rudsak… et je croyais être plus que ça. Je croyais innocemment que je pouvais apporter à cette compagnie autant qu’elle m’en avait apporté.

Déception. J’ai senti alors qu’on voulait me brider, me museler. La compagnie avait une façon de faire, une façon d’enseigner et un standard. J’aurais dû m’y conformer plus tôt… en fait, j’aurais dû le comprendre plus tôt. Je me sentais perdue et je n’avais pu trop la flamme de ce que je faisais. J’avais 35 ans.

Je suis une technicienne

Un après-midi de juin, la rue de mon salon de coiffure est fermée. Plein de pancartes de tournage. Ça va être excitant pour ma clientèle ça !! Pierre, un homme qui s’occupe des lieux, vient me faire signer des papiers d’autorisation et m’explique un peu ce qui va se passer dans la rue toute la journée, jusqu’après la fermeture. Juste en face de mon salon, on est rivé dans mes vitrines et on voit toute une équipe travailler. Chaque fois qu’on entend au porte-voix « COUPER » les techniciens s’affairent à déplacer les lumières, les caméras, les chaises, les câbles…. De vraies fourmis !! Je vois des gens qui blaguent, qui parlent aux walkies-talkies, qui se taquinent. Un gars relave la vitrine pour une huitième fois, la comédienne boit son verre d’eau. Plein de gens vont faire leurs retouches autour des comédiens. Le bruit du monde qui œuvre et qui donne vit à la vision de la réalisatrice, Marilou. Puis, le chaos se calme et tranquillement fait place à « 3, 2, 1 ACTION »….

Plus tard la semaine d’après, Pierre, le directeur des lieux de tournage, vient se faire couper les cheveux. On a longuement discuté, de son métier surtout. Il ne m’était jamais venu à l’esprit que c’était un métier, travailler derrière les caméras. J’ai pris mes infos, je n’avais rien à perdre ! De toute façon, je stagne dans mon métier et je commence à ne plus avoir envie de faire ça… tous les irritants deviennent des montagnes ! Les annulations me rendent agressive, les demandes des clientes, leur budget… Alors je me suis inscrite ! Plusieurs formations, plusieurs remplacements. Rien ne s’est présenté à moi sans effort. J’ai fait des recherches, des appels, des messages. Tu veux entrer dans ce milieu, tu fais tes preuves, tu fais tes heures… Puis, un an plus tard, Pierre me contacte pour me dire qu’une cheffe coiffeuse cherche une assistante pour un projet. BOOM !! Ma chance ! Je vais travailler avec des comédiens connus au Québec, présenté à la télévision !!!

J’ai eu ma première expérience sur ce plateau et j’ai fait toutes les erreurs possibles dans les 3 premiers jours… Parler au mauvais moment, se tenir au mauvais endroit, prendre des selfies avec les comédiens…. Au bout de trois jours, ma cheffe m’a dit que je parlais beaucoup et que je n’écoutais pas assez… D’un coup sec, j’avais 12 ans et je venais de me faire chicaner par ma mère… C’est exactement à ce moment que j’ai eu le déclic. Soit que je continuais d’avoir la tête folle et que je ne remettais plus les pieds sur un plateau, soit que je décidais, à ce moment, si je voulais faire ce métier pour le restant de mes jours… À la fin du tournage, Francis, le réalisateur, m’a prise dans ses bras en me disant que j’avais tout ce qu’il fallait pour faire ce métier et de ne jamais en douter.

Je suis une fourmi

Je me lève autour de 5 h environ maintenant. Il y a des soirs que l’on termine la scène autour de 20 h. Si on calcule comme il faut, il y a des moments je peux voir ma famille 30 minutes par soir. Certains matins c’est plus difficile de sortir du lit. Mes journées s’écoulent sans que j’aie le temps de les voir, d’autres fois, je compte chaque minute. Pendant quelques semaines, je fais partie d’une équipe. Certains déplacent des lumières, d’autres des câbles ou des caméras.

Je suis dans la catégorie CCM (Costume/Coiffure/Maquillage). Juste avant ACTION, nous sommes autour des comédiens à faire les retouches maquillage, raccords cheveux ou plis de vêtements. Nous sommes presque une famille, nous sommes des fourmis. Puis, le projet se termine et on embarque avec d’autres techniciens, on se bâtit une autre famille.

Je me suis créé des amitiés de plateau, des amitiés à court et à long terme. De projet en projet, de plateau en plateau, je rencontre des gens, j’aime les gens !! Je suis une fourmi. Je suis une professionnelle, je suis une coiffeuse et je serai toujours une rebelle.